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Internet, la dictature de l'urgence ?

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Depuis maintenant une dizaine d'années, Internet a pris une part importante dans nos sociétés.
Il est devenu le centre névralgique de l'informatique moderne; sans lui, la plupart de nos machines perdraient quasiment ou totalement de leurs intérêts, du fait de devoir une connexion obligatoire.
S'il reste un superbe outil technologique et un vecteur pilier de la diffusion de la culture, il est aussi, à cause de sa rapidité, un accélérateur de l'information, de la pensée, de la réaction.
Informations qui sont de plus en plus nombreuses à traiter pour les machines (big data) et surtout pour nous.

Un journal est statique par essence et les périphériques qui nous permettent d'aller sur les internet sont eux dynamiques.
L'information peut alors être apportée avec plus de rapidité au lecteur, car elle s'affranchit quasiment de support physique.
Une accélération tellement forte qu'elle peut aujourd'hui être poussée jusque dans nos poches ou aux montres sur nos poignets.
Il suffit d'un ou deux clics pour partager une information de l'AFP. Une recherche sur Wikipedia quand on se pose une question.
Un dynamisme qui balade nos sens aussi, une pub animée par ci, une notification par là voir une vidéo, nous sommes sans cesse sollicités, bien plus qu'avec le papier.
Or par la multiplication des canaux et une course à la rapidité, qui a toujours existé, nous sommes devenus comme submergés par toutes ces actualités.

Une course à la rapidité qui a des origines bien lointaines, comme nous l'indique Periodista Digital dans le Courrier International 1310 dans un article "En direct du champ de bataille" consacré aux reporters de guerres durant la Guerre de Sécession et l'utilisation du télégraphe :

William F. Storey, du Chicago Times, envoie la note suivante à l’un de ses correspondants : “Télégraphie toutes les nouvelles que tu pourras obtenir, et s’il n’y a pas de nouvelles envoie des rumeurs.”

Dans le 56Kast n°78 et dans l'article "Mes applis, mes amours, mes emmerdes", l'équipe de Libération donne ses réflexions par rapport aux travaux de Tristan Harris sur l'effet qu'on nommerait de machine à sous ou encore Deus Ex Machina; à savoir comment nous pouvons être fascinés devant les réseaux sociaux et leurs aspects d'infinité ainsi qu'attendre pour voir ce qu'il va se produire (typiquement quand les gens sortent le pop-corn devant un commentaire de troll ou un article appeau à troll).
Par exemple, il ne suffit pas d'aller bien loin sur Twitter pour être obligé de subir l'une des multiples indignations du jour, très souvent oublié dès le lendemain, une actualité en chassant une autre. Information que nous subissons au propre comme au figuré.

Un parent proche du binge watching, dont voici une définition selon The New York Times dans le Courrier International 1328 :

Le binge watching, le fait de dévorer des épisodes les uns après les autres, implique que le spectateur s’immerge à son gré dans la série. Cela crée une dynamique que je qualifierais de “succion” : l’impression de passer sous l’emprise d’une drogue, de sombrer dans une fiction dont on laisse les vagues nous balayer pendant des heures. Il suffit de cliquer sur le choix par défaut : “Episode suivant” – c’est si facile.

Nous sommes à la fois fascinés et dégoûtés devant ce spectacle, qui devient, par moment, un cirque médiatique.
La méfiance pour les journalistes n'a fait que se confirmer, malgré cette accélération et cette proximité de l'information qui devraient leur donner une plus grande importance, elle ne fait qu'augmenter l'effet grand spectacle du monde médiatique.
Malgré tout, il existe aussi une méfiance des médias traditionnels vis à vis des nouveaux, mais aussi du public par rapport à Internet en général.

Aujourd'hui, Internet est trop souvent devenu une course au buzz, à se qui fera du bruit. On prend souvent l'analogie du quart d'heure de célébrité d'Andy Warhol, analogie qui n'est pas fausse, mais qui ne prend pas compte tous les leviers de la célébrité et dans notre cas de la propagation de l'information.
L'information est juste plus facilement accessible et donc partageable. Raison pour laquelle les indignations sur Twitter trouvent de nombreux relais surtout quand cette indignation est locale, elle devient visiblement nationale et internationale.
Les mêmes relais qui transforment un épiphénomène en scandale comme la trop commentée gifle de Joey Starr.
Le pire étant qu’après le cycle d'indignation -> création à chaud -> excuses, il est rare de trouver des suites de ces phénomènes ultra-commentés, comme l'affaire du bijoutier de Nice.
D'ailleurs, si Internet est rapide et se rappelle de tout (pas vrai, les services de renseignements et les GAFAM ?), il aime mettre l'actualité chaude en avant. Du coup, difficile de faire des recherches, les moteurs reléguant au second plan les articles anciens et ceux qui font suite aux affaires, souvent moins consultés.
Sans parler de l’inexistence de moteur de recherche comme sur Facebook ou Twitter dont il est quasiment impossible de ressortir une information datant un peu.

Ce flux d'informations crée aussi des situations ubuesques où une information de report, comme celle du jeu vidéo No Man's Sky, crée une réaction épidermique chez certains alors que le jeu n'est pas reporté plus que cela et que ce report est justifié par une augmentation de la qualité.

Pour conclure, je pense qu'Internet n'a pas encore atteint son plein potentiel. Pour moi, la qualité de l'affichage joue beaucoup par rapport au papier où seulement les écrans à encre électronique tiennent la comparaison.
Le jour où cette finesse sera atteinte, le confort de lecture sera infiniment meilleur et enduira, je l’espère moins de soucis médicaux. Ce qui permettra, je l’espère, de freiner la lecture en diagonale voir la non-lecture.
Sans aller aussi loin, certains sites sont revenus sur les idées du papier avec une mise en page évolutive ou encore un abonnement pour accéder à l'information.
Qu'on le pense ou non, l'information reste une richesse, c'est même selon certains le pétrole du web. Il est pour moi salutaire de prendre du recul, de savoir faire la part des choses entre le temps médiatique et le temps judiciaire, le temps que les choses se réalisent.
Les mises en épingles incessantes ne sont souvent que des illusions, il faut juger selon des faits, pas selon des dires.

En attendant, je continuerai de militer pour une information de qualité et une responsabilisation des gens, car s'il est facile de partager n'importe quoi, il est surtout possible de vérifier ce n'importe quoi (dans la mesure du possible, bien évidemment ou sauf si on aime se vautrer allègrement dans l'oisiveté).

Aller plus loin :
Twitter, nouveau baromètre boursier - Financial Times - Courrier international 1319

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